Les chauves-souris, maîtresses de la nuit, mais pour combien de temps ?Les chauves-souris vous font peur ? elles vous dégoûtent ? Peut-être changerez vous d'avis quand vous saurez ce qu'elles mangent.S'il est un animal mal compris, mal aimé et plein de mystère, c'est bien la chauve-souris ! On peut d'ailleurs le comprendre, car ces animaux s'agitent lorsque nous dormons, et on se demande ce qu'ils peuvent bien faire pendant ce temps. Et puis, quelle idée de vivre à l'envers la plus grande partie du temps ? Quelle idée de se prendre pour un oiseau alors qu'on est un mammifère ? Voyons cela en détail.Ces mammifères, comme tous les représentants de cette classe, ont leur corps en partie couvert de poils. Les femelles mettent au monde un petit vivant, puis l'allaitent. C'est au cours de l’évolution que la main de la chauve-souris est devenue aile. Les doigts, à l'exception du pouce, se sont allongés jusqu'à former l'armature de l'aile. Cette aile membraneuse et très légère est constituée essentiellement d'os et de ligaments, le tout recouvert par une fine peau qu'on appelle le patagium . Ce sont ces deux mains qui permettent à l'animal de voler. Les muscles très puissants qui les animent sont accrochés à la poitrine et aux omoplates, pour apporter une force suffisante au vol battu. Par ailleurs, le patagium a aussi un rôle de protection, en particulier chez les rhinolophes, qui s'enveloppent à l'intérieur lors de leur sommeil hivernal. Il sert alors à réguler la température de l'animal, en agissant exactement comme un radiateur d'automobile, le sang y circulant jouant le rôle de fluide caloporteur.
Les chauves-souris, qui dorment à l'envers,ont une particularité morphologique assez curieuse : l'articulation des phalanges et des griffes de leurs doigts de pied sont orientés à l'envers par rapport aux autres mammifères, et leurs tendons sont conçus de telle façon que la suspension les met automatiquement en position de blocage. C'est ce qui leur permet de rester accrochées aux parois et aux plafonds des cavités sans le moindre effort. Observez bien l'orientation des pieds de ce Petit Rhinolophe, ci-contre : les pieds ont l'air d'être vus de face et d'en haut, alors que l'animal nous présente sa face dorsale; ils sont tournés à 90 degrés par rapport aux nôtres. Par ailleurs, leur circulation sanguine est aussi assez spéciale, afin d'éviter tout simplement que le sang ne leur monte à la tête, qui se situe la plupart du temps... en bas.
Les chauves-souris de notre pays sont toutes insectivores.Elles chassent de diverses façon, certaines à l'affût, d'autres au sol, d'autres encore en vol, par exemple autour des lampadaires ou se pressent la nuit, en été, de nombreux papillons. Leur vue n'est pas aussi mauvaise qu'on le pense en général, mais elle ne suffit pas à assurer la sécurité de leur vol rapide, encore moins à chasser leurs proies. Elles ont développé au cours de l'évolution un sens appelé écholocation. Grâce à une morphologie particulière du larynx et du pharynx, elles émettent des cris de haute fréquence ou ultrasons, inaudibles par l'homme, entre 20 et 120 kHz. Ces ultrasons sont réfléchis sur les obstacles, et reviennent à l'oreille de l'animal. Leur cerveau calcule alors avec une grande précision une image sonore de leur environnement, qui leur permet non seulement d'éviter les obstacles en vol, mais de «voir» la forme de leurs proies.
Le jour, les chauves-souris se reposent,accrochées au plafond ou aux parois, comme ce rassemblement de quelques trois cent Rhinolophes euryales observé dans le Quercy en février 2008, ou réfugiées dans des fissures afin d'éviter de se faire croquer par un prédateur comme une fouine ou un chat. Certaines d'entre elles, comme les Murins, ci-dessus, affectionnent la présence de leurs congénères et se font des câlins l'une contre l'autre. Elles ne chassent que la nuit. Les gîtes de repos sont variés : charpentes, clochers, greniers, fissures dans un mur ou dans un arbre, volets, etc. Leur habitat est choisi en fonction de leur territoire de chasse et de leur régime alimentaire. C'est en particulier le milieu forestier ou bocager qui constitue leur domaine privilégié, car il représente un havre de paix comparé au milieu urbain ou semi-urbain, et regorge d'insectes qui constituent leur régime alimentaire.
L'hiver, elles rentrent en léthargie en s'enfonçant suffisamment profondément dans des caves ou dans des cavités naturelles, dont la température assez fraîche est cependant constante.
ProtectionLes chauves-souris sont de très précieux alliés dans notre vie de tous les jours. En effet leur régime exclusivement insectivore en fait des remplaçantes toutes désignées aux pesticides toxiques que nous utilisons dès que se présente le moindre moustique. Une Pipistrelle ou un Grand Rhinolophe (ci-contre) peut dévorer jusqu'à 600 moustiques en une seule nuit. Une colonie de 500 Grands Murins consomme une tonne d'insectes en une année.
Leur présence est donc indispensable. C'est pourquoi, en France, toutes les espèces de chauves-souris sont protégées par la loi : «Sont interdits en tout temps et sur tout le territoire national pour les spécimens vivants la destruction, la mutilation, la capture ou l'enlèvement, la naturalisation; pour les spécimens vivants ou morts, le colportage, l'utilisation, la mise en vente, la vente ou l'achat. (Journal Officiel du 11/09/1983)».
MenacesLes chauves-souris sont bien sûr victimes, comme tous les animaux, de parasites et de maladies, ou de prédateurs comme les martres, fouines, chats ou faucons hobereaux. Il faut noter aussi que des conditions météorologiques défavorables peuvent réduire les populations de manière alarmante. L'été 2000, 60 % des jeunes rhinolophes sont morts de froid ! (Ces vagues de froid à certaines périodes de l'année restent malheureusement peu de temps dans les mémoires, et pourtant... Par exemple à Toulouse en 2000, record de froid le 15 juillet avec 16,3 °C en journée, ou à Paris, 11°C le 14 juillet de la même année. Brrr...)
Mais c'est tout de même l'homme et ses activités multiples qui sont la cause première de leur raréfaction.
On peut classer par ordre décroissant de gravité ces causes; ce sont :• Les insecticides que les agriculteurs utilisent depuis plusieurs décennies, qui réduisent quelquefois à néant les ressources alimentaires : les chiroptères insectivores trouvent de moins en moins de proies et ne peuvent plus se nourrir correctement.
• Les produits phytosanitaires ingérés en grande quantité par l'intermédiaire des proies (insectes) empoisonnent les animaux petit à petit.
• L'uniformisation des paysages, la destruction des haies, des bosquets, des broussailles, le fauchage systématique des bords des routes, autant de réservoirs potentiels de nourriture ou d'abris qui disparaissent inexorablement.
• La destruction des ruines, des remises abandonnées et des vieux arbres qui provoque l'anéantissement des refuges.
• Même constat pour la fermeture des combles, des clochers, des greniers pour empêcher, par exemple, l'occupation par des populations de pigeons.
• L'emploi dans les charpentes de produits d'imprégnation à base d'insecticides et de fongicides chimiques. Les chauves-souris qui se frottent contre ces pièces de bois traité s'intoxiquent par la suite en se léchant pour effectuer leur toilette.
• La fréquentation «touristique» un peu trop poussée et sans précaution de certains refuges hivernaux comme les grottes ou les caves.
• Les bords des routes sont aussi des endroits dangereux, et pas seulement pour les hérissons. Certaines études concluent qu'une chauve-souris par an et par kilomètre meurt percutée par un véhicule. Un simple calcul du nombre de kilomètres de routes qui sillonnent notre pays donne une idée de l'hécatombe.
Il faut donc bien comprendre que c'est un ensemble de comportements, essentiellement dus à l'évolution de notre société industrialisée, qui provoque la raréfaction de ces minuscules mammifères. Il est d'autant plus regrettable que ceux-ci aient une si mauvaise presse auprès du public, car la chasse sans merci qu'ils mènent contre les moustiques et autres mouches nous débarrasse d'une grande partie de ces encombrants insectes. Un monde sans chauves-souris deviendrait vite invivable. Sauf à pulvériser en permanence des milliers de tonnes d'insecticides pour lutter contre ce fléau.
Des actions en faveur des chauves-souris sont pourtant menées à juste titre par les associations de protection de la faune sauvage.
Mais lorsqu'elles consistent essentiellement à fermer les cavités par de lourdes grilles pour empêcher la fréquentation du milieu par de rares visiteurs jugés importuns, ces actions sont pratiquement et malheureusement sans effet.
Il faut répéter ici que les causes de la disparition des chauves-souris sont dues en tout premier lieu à l'utilisation de produits pesticides polluants et à la destruction des milieux naturels.
C'est sur ce point qu'il faut faire évoluer les mentalités, car la fermeture arbitraire des cavités naturelles au profit de quelques ayants-droit ne résout pas grand chose.
Voir aussi : Un guide pratique d'identification des chauves-souris françaises les plus courantes
Bibliographie
• «Une vie de chauve-souris», par Norbert Casteret.
• «Les chauves-souris, maîtresses de la nuit» par Arthur et Lemaire.
Photos de l'auteur. Tiré en partie de l'article de l'auteur paru dans la revue trimestrielle «Quercy Recherche».
Les chauves-souris, qui dorment à l'envers,ont une particularité morphologique assez curieuse : l'articulation des phalanges et des griffes de leurs doigts de pied sont orientés à l'envers par rapport aux autres mammifères, et leurs tendons sont conçus de telle façon que la suspension les met automatiquement en position de blocage. C'est ce qui leur permet de rester accrochées aux parois et aux plafonds des cavités sans le moindre effort. Observez bien l'orientation des pieds de ce Petit Rhinolophe, ci-contre : les pieds ont l'air d'être vus de face et d'en haut, alors que l'animal nous présente sa face dorsale; ils sont tournés à 90 degrés par rapport aux nôtres. Par ailleurs, leur circulation sanguine est aussi assez spéciale, afin d'éviter tout simplement que le sang ne leur monte à la tête, qui se situe la plupart du temps... en bas.
Les chauves-souris de notre pays sont toutes insectivores.Elles chassent de diverses façon, certaines à l'affût, d'autres au sol, d'autres encore en vol, par exemple autour des lampadaires ou se pressent la nuit, en été, de nombreux papillons. Leur vue n'est pas aussi mauvaise qu'on le pense en général, mais elle ne suffit pas à assurer la sécurité de leur vol rapide, encore moins à chasser leurs proies. Elles ont développé au cours de l'évolution un sens appelé écholocation. Grâce à une morphologie particulière du larynx et du pharynx, elles émettent des cris de haute fréquence ou ultrasons, inaudibles par l'homme, entre 20 et 120 kHz. Ces ultrasons sont réfléchis sur les obstacles, et reviennent à l'oreille de l'animal. Leur cerveau calcule alors avec une grande précision une image sonore de leur environnement, qui leur permet non seulement d'éviter les obstacles en vol, mais de «voir» la forme de leurs proies.
Le jour, les chauves-souris se reposent,accrochées au plafond ou aux parois, comme ce rassemblement de quelques trois cent Rhinolophes euryales observé dans le Quercy en février 2008, ou réfugiées dans des fissures afin d'éviter de se faire croquer par un prédateur comme une fouine ou un chat. Certaines d'entre elles, comme les Murins, ci-dessus, affectionnent la présence de leurs congénères et se font des câlins l'une contre l'autre. Elles ne chassent que la nuit. Les gîtes de repos sont variés : charpentes, clochers, greniers, fissures dans un mur ou dans un arbre, volets, etc. Leur habitat est choisi en fonction de leur territoire de chasse et de leur régime alimentaire. C'est en particulier le milieu forestier ou bocager qui constitue leur domaine privilégié, car il représente un havre de paix comparé au milieu urbain ou semi-urbain, et regorge d'insectes qui constituent leur régime alimentaire.
L'hiver, elles rentrent en léthargie en s'enfonçant suffisamment profondément dans des caves ou dans des cavités naturelles, dont la température assez fraîche est cependant constante.
ProtectionLes chauves-souris sont de très précieux alliés dans notre vie de tous les jours. En effet leur régime exclusivement insectivore en fait des remplaçantes toutes désignées aux pesticides toxiques que nous utilisons dès que se présente le moindre moustique. Une Pipistrelle ou un Grand Rhinolophe (ci-contre) peut dévorer jusqu'à 600 moustiques en une seule nuit. Une colonie de 500 Grands Murins consomme une tonne d'insectes en une année.
Leur présence est donc indispensable. C'est pourquoi, en France, toutes les espèces de chauves-souris sont protégées par la loi : «Sont interdits en tout temps et sur tout le territoire national pour les spécimens vivants la destruction, la mutilation, la capture ou l'enlèvement, la naturalisation; pour les spécimens vivants ou morts, le colportage, l'utilisation, la mise en vente, la vente ou l'achat. (Journal Officiel du 11/09/1983)».
MenacesLes chauves-souris sont bien sûr victimes, comme tous les animaux, de parasites et de maladies, ou de prédateurs comme les martres, fouines, chats ou faucons hobereaux. Il faut noter aussi que des conditions météorologiques défavorables peuvent réduire les populations de manière alarmante. L'été 2000, 60 % des jeunes rhinolophes sont morts de froid ! (Ces vagues de froid à certaines périodes de l'année restent malheureusement peu de temps dans les mémoires, et pourtant... Par exemple à Toulouse en 2000, record de froid le 15 juillet avec 16,3 °C en journée, ou à Paris, 11°C le 14 juillet de la même année. Brrr...)
Mais c'est tout de même l'homme et ses activités multiples qui sont la cause première de leur raréfaction.
On peut classer par ordre décroissant de gravité ces causes; ce sont :• Les insecticides que les agriculteurs utilisent depuis plusieurs décennies, qui réduisent quelquefois à néant les ressources alimentaires : les chiroptères insectivores trouvent de moins en moins de proies et ne peuvent plus se nourrir correctement.
• Les produits phytosanitaires ingérés en grande quantité par l'intermédiaire des proies (insectes) empoisonnent les animaux petit à petit.
• L'uniformisation des paysages, la destruction des haies, des bosquets, des broussailles, le fauchage systématique des bords des routes, autant de réservoirs potentiels de nourriture ou d'abris qui disparaissent inexorablement.
• La destruction des ruines, des remises abandonnées et des vieux arbres qui provoque l'anéantissement des refuges.
• Même constat pour la fermeture des combles, des clochers, des greniers pour empêcher, par exemple, l'occupation par des populations de pigeons.
• L'emploi dans les charpentes de produits d'imprégnation à base d'insecticides et de fongicides chimiques. Les chauves-souris qui se frottent contre ces pièces de bois traité s'intoxiquent par la suite en se léchant pour effectuer leur toilette.
• La fréquentation «touristique» un peu trop poussée et sans précaution de certains refuges hivernaux comme les grottes ou les caves.
• Les bords des routes sont aussi des endroits dangereux, et pas seulement pour les hérissons. Certaines études concluent qu'une chauve-souris par an et par kilomètre meurt percutée par un véhicule. Un simple calcul du nombre de kilomètres de routes qui sillonnent notre pays donne une idée de l'hécatombe.
Il faut donc bien comprendre que c'est un ensemble de comportements, essentiellement dus à l'évolution de notre société industrialisée, qui provoque la raréfaction de ces minuscules mammifères. Il est d'autant plus regrettable que ceux-ci aient une si mauvaise presse auprès du public, car la chasse sans merci qu'ils mènent contre les moustiques et autres mouches nous débarrasse d'une grande partie de ces encombrants insectes. Un monde sans chauves-souris deviendrait vite invivable. Sauf à pulvériser en permanence des milliers de tonnes d'insecticides pour lutter contre ce fléau.
Des actions en faveur des chauves-souris sont pourtant menées à juste titre par les associations de protection de la faune sauvage.
Mais lorsqu'elles consistent essentiellement à fermer les cavités par de lourdes grilles pour empêcher la fréquentation du milieu par de rares visiteurs jugés importuns, ces actions sont pratiquement et malheureusement sans effet.
Il faut répéter ici que les causes de la disparition des chauves-souris sont dues en tout premier lieu à l'utilisation de produits pesticides polluants et à la destruction des milieux naturels.
C'est sur ce point qu'il faut faire évoluer les mentalités, car la fermeture arbitraire des cavités naturelles au profit de quelques ayants-droit ne résout pas grand chose.
Voir aussi : Un guide pratique d'identification des chauves-souris françaises les plus courantes
Bibliographie
• «Une vie de chauve-souris», par Norbert Casteret.
• «Les chauves-souris, maîtresses de la nuit» par Arthur et Lemaire.
Photos de l'auteur. Tiré en partie de l'article de l'auteur paru dans la revue trimestrielle «Quercy Recherche».