Imitation et mimétisme dans le monde des insectes, deuxième partie.
La coloration leurre et le mimétisme batésien : tous les moyens sont bons pour tromper l'adversaire. La première partie de cet article a été consacrée à la technique du camouflage qui permet à l'animal de passer inaperçu dans son environnement. Examinons maintenant d'autres techniques plus élaborées.
La coloration-leurre
C'est une stratégie spécifique aux papillons. Il s'agit de tromper l'adversaire par des jeux de formes et de couleurs qui n'ont rien à voir avec la forme véritable de l'insecte, mais sans imitation du milieu.
De très nombreux papillons portent des taches plus ou moins grosses et colorées appelées «ocelles». Ces taches très voyantes ont deux fonctions différentes. La première consiste à faire croire au prédateur que les ocelles sont en fait les véritables «yeux» de la proie, afin d'attirer l'attaque vers ceux-ci.
Car si le chasseur s'attaque en priorité aux ocelles, toujours situées aux extrémités des ailes, comme sur le Satyre de la première photo, il va juste arracher au passage un petit lambeau d'aile. Cela laisse à la proie le temps de s'échapper sans que les organes vitaux de son corps soient en danger. Il est très courant de voir dans la nature un de ces papillons amputé d'une petite partie d'aile. Cela ne le gène nullement pour continuer à vivre et ne l'empêche pas de voler.
La deuxième fonction de ces ocelles est plus subtile : en cas d'attaque, la proie va ouvrir brutalement ses ailes devant le prédateur, lui présentant des taches vivement colorées, pour qu'il soit surpris par cette débauche de couleurs et de formes. C'est une des raisons qui explique que beaucoup de papillons ont des couleurs ternes et mélangées sous leurs ailes, et des couleurs très vives sur le dessus.
Le temps que le prédateur reprenne ses esprits et attaque pour de bon, la proie a le temps de s'envoler. Le Paon de jour, Inachis io, (photo 2) est l'exemple parfait de ce type de stratégie puisque seul le dessus de ses ailes est coloré, tandis que le dessous est brun-noir et camoufle le papillon lorsqu'il se pose sur un tronc d'arbre ou une pierre. Il faut noter que les ocelles très colorées placées en bout d'aile permettent de cumuler les deux fonctions.
Dans un autre registre, le papillon «Flambé» ci-dessous est un cas intéressant : lorsqu'il est à l'endroit, on peut penser que les zébrures de ses ailes constituent déjà une sorte de camouflage imitant les herbes verticales des prairies. Mais dans l'autre sens, cela ressemble un peu à une tête de prédateur, avec ses oreilles en pointe, ses yeux et son museau. Voilà de quoi faire fuir les oiseaux à coup sûr !
Le mimétisme Batésien Dans ce type de mimétisme, le but de la proie est de faire croire à un éventuel prédateur qu'elle est un autre animal. Cela peut être un animal venimeux, un autre prédateur, un animal toxique, etc. Il ne s'agit plus de dissimulation ou d'effet de surprise, mais bel et bien de tromperie délibérée. Les exemples de ce type sont nombreux, et pas seulement chez les papillons. Ainsi, cette Leptura maculata imite une guêpe à l'aide des bandes jaunes et noires de son abdomen. C'est d'autant plus fascinant qu'elle est totalement inoffensive, se régalant exclusivement de nectar. Beaucoup d'autres insectes ou arachnides font de même. Cette parade est très courante et se base sur un fait acquis dans le monde animal : jaune + noir = danger. Grâce à ses bandes, cet insecte n'est presque jamais attaqué par les oiseaux insectivores qui craignent les piqures des guêpes.
Ce type de mimétisme est appelé mimétisme Batésien,
de Henry Walter Bates, naturaliste anglais qui, ayant passé onze ans dans la forêt amazonienne de 1848 à 1859, avait remarqué que les papillons de la famille des Heliconiidaea, bien que volant lentement dans des endroits dégagés, n'étaient jamais attaqués par les oiseaux.
De fait, les Héliconiidés ne sont pas comestibles et leurs prédateurs ont appris à les reconnaître et à éviter leurs couleurs voyantes. Il remarqua alors que les papillons comestibles de la famille des Pieridaea prenaient la forme, les couleurs et les dessins des Heliconiidaea, et adoptaient aussi leur façon de voler.
Il en conclut logiquement qu'ils profitaient de la protection naturelle dont bénéficient les Heliconiidaea, en se faisant passer pour eux.
L'Argiope frelon étudiée dans cet article est un bon exemple de mimétisme batésien, encore que dans ce cas, l'animal déguisé en frelon soit aussi un dangereux prédateur. Cela lui permet d'éviter de se faire manger par un oiseau insectivore, mais ne risque pas d'effrayer d'éventuelles proies puisque celles-ci (les sauterelles ou les mouches) n'ont pas à se préoccuper des frelons ou des guêpes dans leur milieu naturel.
C'est ainsi qu'a vu le jour le texte fondateur du mimétisme en 1862.
Dans les années suivantes, une controverse eut lieu entre les tenants de la théorie du mimétisme et ses détracteurs, dont le célèbre naturaliste Jean-Henri Fabre, qui n'hésitait pas à écrire à la fin du XIXe siècle : «Le mimétisme est une illusion que nous ferons bien de rejeter dans l'oubli.» (in «souvenirs entomologiques»).
Heureusement, les faits et l'étude rigoureuse des différents cas ont prouvé le bien-fondé de cette théorie, n'en déplaise à ce grand naturaliste. Voir aussi : Si vous avez raté la première partie de cet article, une petite piqure de rappel ne coûte rien.
Photos
© Antiopa, sauf :
2 - Charlesjsharp CC-BY-SA
3 & 4 - Zeynel Cebeci CC-BY-SA
De très nombreux papillons portent des taches plus ou moins grosses et colorées appelées «ocelles». Ces taches très voyantes ont deux fonctions différentes. La première consiste à faire croire au prédateur que les ocelles sont en fait les véritables «yeux» de la proie, afin d'attirer l'attaque vers ceux-ci.
Car si le chasseur s'attaque en priorité aux ocelles, toujours situées aux extrémités des ailes, comme sur le Satyre de la première photo, il va juste arracher au passage un petit lambeau d'aile. Cela laisse à la proie le temps de s'échapper sans que les organes vitaux de son corps soient en danger. Il est très courant de voir dans la nature un de ces papillons amputé d'une petite partie d'aile. Cela ne le gène nullement pour continuer à vivre et ne l'empêche pas de voler.
La deuxième fonction de ces ocelles est plus subtile : en cas d'attaque, la proie va ouvrir brutalement ses ailes devant le prédateur, lui présentant des taches vivement colorées, pour qu'il soit surpris par cette débauche de couleurs et de formes. C'est une des raisons qui explique que beaucoup de papillons ont des couleurs ternes et mélangées sous leurs ailes, et des couleurs très vives sur le dessus.
Le temps que le prédateur reprenne ses esprits et attaque pour de bon, la proie a le temps de s'envoler. Le Paon de jour, Inachis io, (photo 2) est l'exemple parfait de ce type de stratégie puisque seul le dessus de ses ailes est coloré, tandis que le dessous est brun-noir et camoufle le papillon lorsqu'il se pose sur un tronc d'arbre ou une pierre. Il faut noter que les ocelles très colorées placées en bout d'aile permettent de cumuler les deux fonctions.
Dans un autre registre, le papillon «Flambé» ci-dessous est un cas intéressant : lorsqu'il est à l'endroit, on peut penser que les zébrures de ses ailes constituent déjà une sorte de camouflage imitant les herbes verticales des prairies. Mais dans l'autre sens, cela ressemble un peu à une tête de prédateur, avec ses oreilles en pointe, ses yeux et son museau. Voilà de quoi faire fuir les oiseaux à coup sûr !
Le mimétisme Batésien Dans ce type de mimétisme, le but de la proie est de faire croire à un éventuel prédateur qu'elle est un autre animal. Cela peut être un animal venimeux, un autre prédateur, un animal toxique, etc. Il ne s'agit plus de dissimulation ou d'effet de surprise, mais bel et bien de tromperie délibérée. Les exemples de ce type sont nombreux, et pas seulement chez les papillons. Ainsi, cette Leptura maculata imite une guêpe à l'aide des bandes jaunes et noires de son abdomen. C'est d'autant plus fascinant qu'elle est totalement inoffensive, se régalant exclusivement de nectar. Beaucoup d'autres insectes ou arachnides font de même. Cette parade est très courante et se base sur un fait acquis dans le monde animal : jaune + noir = danger. Grâce à ses bandes, cet insecte n'est presque jamais attaqué par les oiseaux insectivores qui craignent les piqures des guêpes.
Ce type de mimétisme est appelé mimétisme Batésien,
de Henry Walter Bates, naturaliste anglais qui, ayant passé onze ans dans la forêt amazonienne de 1848 à 1859, avait remarqué que les papillons de la famille des Heliconiidaea, bien que volant lentement dans des endroits dégagés, n'étaient jamais attaqués par les oiseaux.
De fait, les Héliconiidés ne sont pas comestibles et leurs prédateurs ont appris à les reconnaître et à éviter leurs couleurs voyantes. Il remarqua alors que les papillons comestibles de la famille des Pieridaea prenaient la forme, les couleurs et les dessins des Heliconiidaea, et adoptaient aussi leur façon de voler.
Il en conclut logiquement qu'ils profitaient de la protection naturelle dont bénéficient les Heliconiidaea, en se faisant passer pour eux.
L'Argiope frelon étudiée dans cet article est un bon exemple de mimétisme batésien, encore que dans ce cas, l'animal déguisé en frelon soit aussi un dangereux prédateur. Cela lui permet d'éviter de se faire manger par un oiseau insectivore, mais ne risque pas d'effrayer d'éventuelles proies puisque celles-ci (les sauterelles ou les mouches) n'ont pas à se préoccuper des frelons ou des guêpes dans leur milieu naturel.
C'est ainsi qu'a vu le jour le texte fondateur du mimétisme en 1862.
Dans les années suivantes, une controverse eut lieu entre les tenants de la théorie du mimétisme et ses détracteurs, dont le célèbre naturaliste Jean-Henri Fabre, qui n'hésitait pas à écrire à la fin du XIXe siècle : «Le mimétisme est une illusion que nous ferons bien de rejeter dans l'oubli.» (in «souvenirs entomologiques»).
Heureusement, les faits et l'étude rigoureuse des différents cas ont prouvé le bien-fondé de cette théorie, n'en déplaise à ce grand naturaliste. Voir aussi : Si vous avez raté la première partie de cet article, une petite piqure de rappel ne coûte rien.
Photos
© Antiopa, sauf :
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